Le catalogue des mauvaises idées

Depuis des mois les annonces du gouvernement concernant l’Ecole s’enchainent à une vitesse vertigineuse. Cela s’explique très certainement par le bal incessant des ministres de l’éducation nationale,
officiels et officieux qui se sentent obligés de mettre leur patte dans tous les sujets qui ont trait à l’école.
Sur le terrain, ces annonces font parfois sourire (jaune) mais pour la plupart elles suscitent de la colère car elles sont en total décalage avec la réalité vécue tant par les élèves que les personnels.
Du changement des modalités de formation et de recrutement des enseignants au plan ministériel pour la sécurité des élèves des personnels et des établissements scolaires dont l’ambition affichée est de « déployer un bouclier autour de l’école » (sic) en passant par le très contesté “choc des savoirs” et les annonces fracassantes du 1er Ministre en matière de restauration de l’autorité, les personnels de l’Education Nationale ont l’impression d’être enfermés dans une grande lessiveuse folle qui ne s’arrête jamais.
Assistantes sociales scolaires, notre place au sein des établissement nous permet de mesurer pleinement
l’impact d’un grand nombre de ces mesures mais aussi leur totale déconnexion au regard des réalités et des besoins exprimés par les élèves, leurs parents ou nos collègues professeurs.
Petit passage en revue, non exhaustif « le choc des savoirs » l’organisation de l’école en sera lourdement impactée puisqu’il s’agit avec la mise en place des groupes de niveaux et le développement d’évaluation standardisées d’effectuer un tri des élèves dès le plus jeune âge. Par ailleurs, l’entrée au lycée qu’il soit GT ou professionnel devient conditionnée à l’obtention du DNB.
Ces mesures forment un tout cohérent visant à stopper toute perspective de démocratisation, de qualification comme d’acquisition de culture commune.
De plus, elles détériorent de manière certaine les métiers des enseignants en remettant en cause leur liberté pédagogique. Et de manière plus large, c’est toute l’organisation des établissements qui se voit bousculée et ce, sans chercher l’adhésion des équipes.
Cela aura, n’en doutons pas, de lourds impacts sur le climat scolaire. Comment penser que les élèves ne se sentiront pas stigmatisés par ces assignations à des groupes de niveaux surtout quand celles-ci s’accompagnent, pour les plus en difficulté, par des mesures d’allongement du temps scolaire ou de réduction des vacances.
Non content d’être identifiés « en difficultés » , ils auront en plus l’obligation de reprendre le chemin de l’école plutôt et de finir leur journée plus tard. Ces injonctions vont à l’encontre de la conception d’une école émancipatrice. Et ce ne sont pas les dernières annonces d’Attal à Viry Châtillon sur le nécessaire « sursaut d’autorité »
qui démentiront cette vision rétrograde de l’école. La panoplie de mesures coercitives ne permettra nullement de répondre aux véritables enjeux. Bien sûr, on comprend la manœuvre électorale à quelques semaines des élections européennes, néanmoins il n’est pas acceptable que cela se fasse, à coup de déclarations martiales, sur le dos de la jeunesse, de ses difficultés, de ses souffrances…
Albine CAILLIE


ELEVES PERTURBATEURS, PARFOIS VIOLENTS : avant tout des mineurs à protéger Les assistantes sociales scolaires rencontrent ces élèves qualifiés de perturbateurs et certains sont effectivement empêtrés dans des phénomènes de bande et flirtent parfois avec les limites de la prédélinquance. Ils sont tous différents et pourtant leur parcours se ressemblent : certains rencontrent des difficultés d’apprentissage depuis leur plus jeune âge, d’autres ont connu les violences intrafamiliales,
des ruptures affectives ou encore une grande précarité matérielle, beaucoup se sentent stigmatisés, rejetés que ce soit par leur famille ou par la société.
Avec eux et leur famille, au sein de l’école, au delà des mesures de sanction et de réparation, nous retraçons leur parcours et réfléchissons ensemble à ouvrir des perspectives, à leur tracer un avenir. Mais cela exige aussi une prise de conscience et de responsabilité du côté des pouvoirs publics qui depuis trop d’années ont négligé et même abimé les politiques de prévention. Quand tout petit les premières difficultés scolaires sont apparues, les prises en charge au CMPP étaient inaccessibles fautes de place ;
Quand le fonctionnement familial faisait apparaitre un besoin de mettre en place un soutien à la parentalité, les services d’aide éducative à domicile étaient inaccessibles faute de place ; Quand le mal être se généralise, les services de pédopsychiatrie sont inaccessibles faute de place. Plus d’éducateurs de prévention dans le quartier pour échanger le soir au pied de l’immeuble, plus de travailleurs sociaux de proximité à la CAF ou à la CPAM pour aider face aux difficultés d’accès aux droits des parents, de moins en moins d’aides lorsque les budgets familiaux dérapent…. Et partout des dispositifs d’accompagnement qui se dématérialisent, pour ne plus être que des applications qui peinent à délivrer un rendez vous avec un travailleur social.
Plutôt que de recycler de vieilles recettes répressives ou d’inventer des nouvelles sanctions déconnectées de la réalité, le gouvernement doit au contraire donner urgemment les moyens aux différents secteurs de la prévention.
Pour l’Ecole, cela doit consister à augmenter massivement le nombre de postes d’assistantes sociales dans les collèges et les lycées mais aussi à créer enfin un véritable service social dans le 1er degré capable de repérer les situations de protection de l’enfance, de travailler avec les familles sur des actions de soutien à la parentalité et de prévenir dès le plus jeune âge le décrochage et l’absentéisme scolaire.