Retour sur l’audience DGESCO – Application « violences en milieu scolaire »
Une fois de plus, l’administration choisit la fuite en avant technocratique : une application, encore une, sans concertation, sans moyens, sans réflexion sur le sens du travail social.
Le SNUASFP FSU a immédiatement réagi pour porter la voix des professionnel·les du service social et dénoncer cette logique de gestion administrative des violences scolaires, qui nie la complexité des situations et la réalité du terrain.
Le SNUASFP FSU a été interpellé par de nombreux et de nombreuses collègues à la suite de la visio du 23 septembre au cours de laquelle la DGESCO a annoncé la mise en place de cette nouvelle application dédiée au traitement des situations de violences en milieu scolaire.
Face aux inquiétudes massives suscitées par cette annonce faite sans concertation préalable, nous avons immédiatement interpellé en urgence la DGESCO :
- un premier échange a eu lieu le 30 septembre,
- suivi d’un courrier adressé le 2 octobre,
- puis une audience officielle le 9 octobre.
Cette démarche s’inscrit dans la continuité du travail constant du SNUASFP FSU pour défendre les missions et les conditions d’exercice des assistant.e.s et conseiller.e.s techniques de service social en faveur des élèves, dénoncer les logiques d’empilement d’outils numériques et revendiquer des moyens humains à la hauteur des enjeux.
Les points soulevés par le SNUASFP FSU
Lors de cette audience, nous avons exprimé :
- notre désaccord sur la méthode, l’annonce d’un nouvel outil en visio sans concertation préalable traduisant un manque de respect pour l’expertise des personnels sociaux ;
- nos interrogations sur la charge de travail induite et sur le risque d’extension à d’autres types de situations à l’avenir ;
- nos inquiétudes sur les modalités de mise en œuvre, notamment le délai de 48h pour un retour dans l’application et la position à tenir lorsqu’un personnel est mis en cause ;
- la nécessité de ne pas entraîner de confusion des rôles dans la prise en charge des situations (SSFE, RH, justice…)
- et enfin, notre rappel essentiel : aucune application ne remplace des moyens humains, indispensables à une véritable protection des élèves.
Nous avons également insisté sur le contexte global de crise de la protection de l’enfance, qui provoque une panne de l’ensemble du dispositif et dont le ministère de l’Éducation nationale ne peut faire abstraction.
Les réponses de la DGESCO
Sur le fond, la DGESCO présente l’application comme un outil de traçabilité visant à :
- garantir la transmission des situations de violences en milieu scolaire signalées via le 119,
- et « sécuriser les personnels » par la formalisation du suivi interne.
Elle précise que :
- le délai de 48h correspond à une première réponse (confirmation de la prise en charge par une première prise de contact famille et/ou établissement), non à la résolution complète,
- aucune extension à d’autres types de situations n’est prévue à ce stade, tout en admettant qu’elle ne peut préjuger de l’avenir.
Sur la forme, la DGESCO s’est dite heurtée par certains propos tenus dans le chat de la visio.
Elle s’interroge sur la pertinence de reprogrammer une visio avec les CT pour lever les inquiétudes.
Le SNUASFP FSU a rappelé qu’il vaut mieux prendre le temps d’élaborer un outil compris et partagé plutôt que d’imposer dans la précipitation une mesure contestée.
Clarifications obtenues
Selon les explications de la DGESCO, cette application :
- concerne uniquement les violences en milieu scolaire (entre élèves ou impliquant des personnels) remontées via le 119 ,
- centralise les remontées issues du 119 et uniquement celles-ci,
- mobilise les CTD pour un premier traitement interne (prise de contact avec la famille ou l’établissement, coordination avec l’AS concernée, etc.),
- vise une traçabilité interne à l’Éducation nationale, sans retour d’informations vers le 119.
Des zones d’ombre persistent
Plusieurs points restent néanmoins à clarifier :
- l’articulation avec les CRIP/parquets lorsque les situations relèvent aussi de la justice et/ou de la protection de l’enfance ;
- la limitation stricte au périmètre des violences en milieu scolaire, afin que le SSFE ne devienne pas un supplétif des services départementaux ;
- la garantie qu’il ne s’agit pas de rendre des comptes au 119, mais bien de « tracer » la prise en charge interne des situations.
Une expression révélatrice d’un profond malaise professionnel
Nous avons souligné que les réactions parfois vives des collègues CT – que la DGESCO a pu souligner lors de la visio – traduisaient avant tout une souffrance professionnelle réelle : celle d’un corps aujourd’hui épuisé par les injonctions contradictoires, la surcharge de travail et le manque de reconnaissance.
Nous avons rappelé que « sécuriser les personnels » ne saurait être un argument audible auprès des assistant.e.s et conseiller.e.s techniques de service social : leur métier implique une prise de risque réfléchie et assumée qui est indissociable de la mission d’évaluation en protection de l’enfance.
Et maintenant ?
Le SNUASFP FSU a demandé :
- la reprogrammation d’une visio avec les CT/CTR afin de clarifier le dispositif, d’entendre les besoins d’évolution et d’apaiser les inquiétudes ; la DGESCO a donné une suite favorable puisqu’une nouvelle visio avec les CTSS est prévue le 15 octobre ;
- la mise en place d’un groupe de travail spécifique sur la protection de l’enfance, vu l’ampleur et la complexité du sujet.
Si la DGESCO s’est montrée ouverte à cette idée, aucun engagement ferme n’a été pris à ce stade. Nous continuerons à exiger sa mise en place.
Le SNUASFP FSU poursuivra son action pour :
- exiger une réelle concertation avant toute mise en œuvre d’outils numériques,
- obtenir des moyens humains renforcés,
- et faire reconnaître le rôle central du service social en faveur des élèves dans la prévention et la prise en charge des situations de violences à l’égard des mineur.e.s. dans leur globalité.
Pour le SNUASFP FSU, la lutte contre les violences aux mineur.e.s tant en milieu scolaire qu’en dehors ne pourra passer que par un choix politique fort en terme de moyens humains pour le service social en faveur des élèves. Avant de traiter des modalités de traçabilité des situations remontées, cela doit commencer par donner les moyens pour répondre aux besoins des élèves et donc par un renforcement du SSFE. Il ne saurait être question de laisser penser que la mise en œuvre d’un outil numérique pourrait palier à l’absence d’assistant.e.s et de conseiller.e.s techniques de service social en faveur des élèves. Pas plus qu’il ne sera acceptable d’une dénaturation tant des missions que des conditions d’exercice à cause d’une application.